• Ultimes péripéties (première partie)

    RESUME DES EPISODES PRECEDENTS:

    Oldi et Kaito sont tout près de mettre fin à la malédiction qui les tient en haleine depuis un petit moment déjà. Pour cela, il leur a toutefois fallu retourner dans l'hostile village de Trouperdu, plus précisément dans les ruines du château du mage Hédépargne, lieu enclin à la bonne préparation de la potion. Mais, hélas, s'étant enfermés dans le château après avoir été poursuivis par les populaces trouperdoises, ils doivent terminer la préparation de la potion en utilisant des gaïeres, stèles dotées de pouvoirs magiques... et une de ces stèles se trouve sur la place du village, en territoire hostile, incluse dans la dodécapotence! Et, comme si ce n'était pas suffisant, les compères sont poursuivis par Augustin Thymmilou, le milliardaire psychopathe, bien décidé à les transformer en carpaccio. Et le dit Thymmilou, à force de belles paroles, a réussi à s'allier avec les Trouperdois et à les convaincre de mener une attaque contre le château...


     



         - Hey, Oldi! Fini le dodo! Y'a urgence! DEBOUT!!!

         Oldi, qui venait de sortir d'un rêve assez étrange incluant des escargots polonais et des tomates en cage, ouvrit les yeux. Il aurait bien réclamé, pour ce faire, une paire de crics, mais la mine affolée de Kaito qu'il devinait à travers ses pupilles enfloutées lui montrait bien que l'heure n'était pas au confort futile. Il l'ignorait, mais sa mine à lui n'était pas non plus spécialement encline à exprimer la joie de vivre, mais pour d'autres raisons, entre autres ses cheveux évoquant le champ de poireaux après décès du jardinier, et sa veste-oreiller qui lui avait dessiné la carte de New York sur le visage. Il agrippa ses binocles sacrées qu'il posa religieusement sur son nez enrhumé, ce qui lui permit de voir sans floutage inadéquat un détail environnemental qui, effectivement, avait de quoi susciter l'inquiétude.

         Dans les trous de ce qui devait autrefois être le toit de la salle où lui et son compagnon avaient dormi, se dessinait, à travers les nuages violacés du ciel de l'aube montagnarde, une lueur. Une lueur vive, légèrement orangée, qui ressemblait fort à une étoile. Oldi, l'esprit embrumé par son sommeil d'austère lit, ne comprit pas tout de suite de quoi il retournait. Dix secondes plus tard, ses neurones blafards se reconnectèrent petit à petit, et il se remémora qu'un astre, en général, ne se voyait pas en plein jour à quelques exceptions près. Et cinq autres secondes après, il se souvint quelle était exactement l'exception à laquelle il était visiblement confronté. Il bondit.

         - L'astéroïde! beugla-t'il, faisant pour la première fois depuis fort longtemps trembler les murs du château. Il se rapproche! Et tu me laisses dormir, nididji!!! Il faut d'urgence finir notre travail!

         Kaito regarda Oldi avec des yeux ébahis, d'un air hagard à mi-chemin entre la béatitude incompréhensible et l'incompréhension béate. Il n'aurait pas fait une tête différente si on lui avait annoncé que ses parents biologiques étaient des flamants roses. Il leva la tête, observa l'astre maudit à travers la charpente défoncée, remit sa tête en position standard, lorgna Oldi à nouveau et cligna des yeux, deux fois. En fait, il venait lui-même de découvrir la lueur céleste; visiblement, il y avait eu confusion.

         - Euh, oui, aussi, acquiesça-t'il après un silence. Mais, en fait de châtiment divin venu du haut, c'est plutôt les humains du bas-peuple que je redoute(1). Regarde!

         Kaito saisit Oldi par le bras et l'emmena à l'extérieur de la pièce, jusqu'à une rangée de mousse vaguement crénelée. Par-delà le fossé profond entourant le château, s'alignaient sur la falaise tentes, constructions hâtives de bois, engins de siège (tels que des chaises), des armes diverses recouvrant deux mille ans d'Histoire en allant du gourdin primitif aux tromblons rouillés, des outils agricoles reconvertis en armement, des feux de camps avec marmites où bouillonnaient des mixtures pestilentielles, et une populace vile et l'air plutôt hargneuse. Les Trouperdois... visiblement, ils avaient envie de faire gicler le sang, de tuer hargneusement, d'hémoglobiner de riants pâturages et d'abreuver des sillons avec du sang impur. Et au vu de l'emplacement de leur attirail assassinatoire, il n'était "guerre" difficile de deviner leur cible. Oldi et Kaito s'abaissèrent pour observer les meurtriers à travers une meurtrière, sans être vus dans la mesure du possible. Une grande agitation régnait dans ce camp nouvellement apparu; les assauts sanguinaires devaient être prévus à une heure imminente.

         - Va vite chercher les jumelles, dit Oldi. J'ai ma petite idée sur ce rassemblement...

         Kaito lui obéit, partant en trottinant dans les herbes et revenant de la même démarche quelques secondes plus tard avec l'objet optique. Oldi s'en empara et scruta la foule assiégeuse, à la recherche de celui qui devait être responsable de ce brusque intérêt des Trouperdois pour les manoeuvres militaires. Rapidement, il trouva l'objet de son intuition: Augustin Thymmilou, au milieu des villageois affairés, discutant ferme avec le maire Ernest Sessendre. Ne sachant pas lire sur les lèvres, Oldi ne put pas suivre leur conversation, ce qui n'était pas un mal en soi puisque celle-ci ne lui aurait probablement pas remonté le moral.

         - Une heure?!? rugit le milliardaire. Mais enfin, c'est dément! Ne me dites pas qu'il faut encore tout ce temps pour construire un bête pont mobile!
         - On fait che qu'on peut, monchieur Thymmilou, répondit Ernest, apeuré et complètement à la botte de l'hystérique. On n'a qu'un cheul frai menuichier tans le fillache, alors cha prend tu temps, éfitemment. Téchà que nous afons tû tétruire pluchieurs te nos capanes te chartin pour les poutres, ainchi que le garache tu fieux Alphonche, et les apris au pord tu lac Apoulquaud, et...
         - Je m'en moque de vos problèmes d'abris côtiers(2)! postillonna Thymmilou. Nous aurions dû attaquer avant le lever du soleil, votre inefficacité mène mon... notre plan à la ruine! Nous perdons l'avantage stratégique!
         - L'afantache chtratéchique? répéta Ernest Sessendre en se grattant la tête au grand dam de sa faune capillaire. Mais ils ne chont que teux cheunes, qui...
         - ...sont capables de tout, compléta Thymmilou. Pour le pont mobile, je vous donne trente minutes, précisément. Au-delà, je ne tolèrerai plus le moindre coup de marteau, excepté dans les parties génitales de nos adversaires. Et si je vois quelqu'un durant ce délai faire quelque chose ne concernant pas le montage de nos engins de siège, il aura affaire à moi, et en ce qui concerne la sévérité de mes punitions, je me contenterai de dire que je n'ai jamais pleuré devant Bambi... je veux, que dis-je? J'exige que pas un de vos abrutis de citoyens n'aille au toilettes sans emporter avec lui trois planches et une scie sauteuse, et qu'importent les blessures douloureuses car, je le dis tout net, je m'en ficherai comme de ma première gastro-entérite(3)! Compris?

         Ernest Sessendre baissa les yeux tel un gamin pris en flagrant délit de vol de confitures, puis retourna vaquer à ses occupations. Thymmilou resta sur place, se pinçant l'arête du nez (pour se concentrer ou pour éviter les effluves trouperdoises, difficile à dire), puis s'engouffra dans une tente afin de méditer.

         - C'est bien ce qu'il me semblait... Augustin Thymmilou en personne! expliqua Oldi à Kaito. Ce qu'on pouvait craindre de pire est arrivé: il s'est allié avec les Trouperdois.
         - C'est pas la joie, conclut Kaito d'un ton las. Qu'est-ce qu'on fait? On ne peut pas se battre contre tout un village! Les scriptophages, d'accord, les chapelles high-tech, d'accord, les filles de riche pourries gâtées, passe encore, mais des centaines de paysans armés des sabots aux rouflaquettes, non!

         Oldi acquiesça en silence. Après un bref instant de réflexion, il suggéra de voir exactement à quelle armée les compagnons avaient affaire. Histoire de voir s'ils avaient une chance de s'en tirer avec plus de la moitié de leurs organes encore fonctionnels.

         Afin de juger de la situation, Oldi et Kaito montèrent au sommet du donjon poussiéreux dominant le château, un endroit stratégique qu'eussent acclamé les plus grands archers, tels que Guillaume Tell, Robin des Bois ou Jacques Crozemarie(4). En effet, depuis cet endroit, ils pouvaient avoir une vue d'ensemble du château et de ses alentours. Et le spectacle n'était pas vraiment réjouissant: les Trouperdois étaient plus nombreux que prévu. Le village, en bas de la vallée, devait être quasiment vide. La forteresse était entourée de tous côtés par les engins de guerre les plus variés, du fusil au bélier (une arme de légionnaire), et par un nombre de personnes largement suffisant pour les manipuler. Ils étaient cernés.

         - Pas terrible... vraiment pas terrible, minimisa Kaito. Regarde, là, en bas: ils construisent un pont mobile pour pouvoir entrer. S'ils nous rejoignaient, ce serait...

         Il se tut. Un mot venait de lui venir à l'esprit, idem pour Oldi: "trappe".

         Oldi et Kaito descendirent en quatrième vitesse les escaliers moussus, au risque de se casser une jambe toutes les marches et demi. Ils constatèrent avec soulagement, arrivés en bas, que la trappe par laquelle ils avaient pénétré dans la citadelle était toujours là, intacte. Mais certaines des pierres que les compagnons avaient placées la veille pour condamner le passage avaient légèrement bougé, signe que quelqu'un avait vainement tenté de soulever la masse par le dessous.

         - C'est bon! soupira Oldi. Visiblement, ils ont essayé de passer, mais ils ont vite lâché l'affaire. Aucun risque qu'ils n'entrent par là. Mais ils en ont sans doute profité pour poster des sentinelles au cas où ont voudrait filer à l'anglaise...
         - Oui, donc nous sommes bloqués. Comment ressortir, si ce n'est pas la passerelle qu'ils vont mettre en place? Tu nous vois, empruntant ce pont avec en face des centaines de personnes qui ne veulent pas que tu l'empruntes -même si tu jures de le rendre?
         - Euh... j'admets que ça pose problème. A moins que... euh, non. Euh, attends...

         Visiblement, Oldi cogitait dur. Il tournait en rond comme possédé par l'esprit d'un derviche, se tapotant le front pour activer les neurones amorphes qui logeaient au-dessous.

         - JE SAIS! cria-t'il, tout frénétique. Ecoute: on est assiégés, d'accord? Thymmilou nous veut, c'est un fait, les Trouperdois aussi, eux et l'abominable se sont donc alliés, ils ont voulu entrer dans le château par le passage souterrain, ça n'a pas marché, alors ils nous sortent le grand jeu, ils construisent une passerelle, et dès qu'elle sera finie ils attaqueront le château, on pourrait dégager l'entrée du souterrain et partir par là, mais comme je l'ai dit avant, ils ont sans doute mis une surveillance en place, mais la surveillance, c'est si on veut partir en douce uniquement, donc voilà mon idée: on fait croire aux Trouperdois qu'on ne veut pas fuir, mais se battre contre eux, avant qu'ils ne mènent leur assaut, nous, depuis notre château, on les harcèle, on les nargue, on leur bazarde tout ce qu'on a sous la main avec de la haine dans les yeux pour faire plus vrai et on leur dit que nous ne sortirons que par la volonté du bas-peuple ou la force des baïonnettes, ils se fâchent, ils s'y mettent tous pour nous taper dessus, par conséquent la surveillance du souterrain se relâche, et quand l'assaut est mené on en profite pour filer en douce avant qu'ils aient compris. Voilà. Voilà! Voilà...

         Oldi respira. Enfin. Kaito, qui était parvenu par miracle à comprendre l'explication malgré sa syntaxe affreuse qui n'était vraiment pas caractéristique de son ami, haussa un sourcil sceptique et finit par lâcher platement:

         - Sans vouloir te vexer... j'y crois pas trop.
         - Je te ferai remarquer, dit Oldi avec un zeste de vexation dans la voix, que c'est le seul plan qu'on a. Comme toujours, finalement. Mais il faut bien le mettre en oeuvre si on veut avoir une chance de réussir. Laisse-moi réfléchir...

         Oldi monta sur un proche muret, du haut duquel il avait une vue d'ensemble de la cour du château. D'un regard de caméra de surveillance, balayant toute la construction, il pensait. Sa matière grise venait d'atteindre un niveau d'agitation que l'on ne croise plus guère que chez les bébés secoués, tentant d'améliorer un plan déjà désespéré à l'origine. Oldi resta là, statue cogitante sur son piédestal effrité, puis, soudain, il bondit sur le sol en ordonnant méthodiquement:

         - Okay, je vois le topo! Kaito, tu vois la herse, là-bas? Tu la fermes, et bien!
         - Mais, ça ne les bloquera pas, ils pourront passer à côt...
         - Tu la fermes(5)! Et il y a une autre herse, là-bas, tu fais pareil. Moi, je me charge du reste.

         Oldi alla examiner l'entrée du souterrain, plus précisément un reste de colonnette à proximité de la dite entrée. Il essaya de dégager des pierres de la structure: celle-ci, peu solide et visiblement construite à la va-vite, n'était guère résistante. Dégageant méthodiquement quelques caillasses, il mit celles-ci de côté, en tant que réserve de munitions. Kaito, obéissant aux ordres de son compagnon, abaissa les herses que son ami lui avait désignées, sans comprendre toutefois où il voulait en venir... mais Oldi était si frénétique que la moindre question l'aurait mis en rogne.

         Le maudit, sans mot dire, prit le grand sac de toile que lui et son compagnon avaient amené, et en déchira une large bande, qu'il noua au pied du piler qu'il avait amputé à l'instant de plusieurs de ses briques. Enfin, toujours dans un silence digne d'un moine, il observa la place que lui et son compagnon avaient "arrangé" selon un schéma inconnu à part de lui seul. Puis il monta sur un des murs cernant la forteresse, face au camp des Trouperdois, et expulsa de sa bouche les paroles qu'il avait économisées en un seul cri, bref mais venant du fond du coeur:

         - HEY, BANDE DE BLATTES!

         Tous les Trouperdois à portée de voix d'Oldi regardèrent en direction de la tour d'où provenait l'insulte. Insulte dans laquelle ils s'étaient tous identifiés, soit dit en passant. Thymmilou et Ernest, qui devisaient sur l'avancée des opérations, entendirent eux aussi le beuglement vulgaire et inattendu; le milliardaire réprima difficilement un juron similaire.

         - C'est pas pour dire, continua Oldi sur le ton de l'ironie, mais moi et mon pote on aimerait bien sortir de ce château, on s'ennuie un peu. Mais c'est franchement dur de trouver un passage praticable: pas glorieux, les ponts et chaussées de la région! Pour tout dire, on voulait se fabriquer un pont, mais vous nous facilitez le boulot! Quand vous aurez fini, mettez-le en place et laissez-nous sortir, okay? Mais n'oubliez pas de le désinfecter avant.

         Les quelques Trouperdois qui connaissaient le mot "désinfecter" grognèrent.

         - Nan, sérieusement, continua Oldi (tandis que, derrière lui, Kaito sanglotait). Je pense que vous ne nous laisserez pas sortir en paix, n'est-ce pas?

         En guise de réponse, trente-deux fourches, sept râteaux et quatorze serpes se dressèrent. Un synonyme complexe de "baston" en langage des signes.

         - C'est bien ce qu'il me semblait. Dans ce cas, j'ai l'honneur de vous annoncer que mon ami et moi nous engageons le combat.

         Oldi saisit une des caillasses qu'il avait soigneusement mises de côté lors de sa liposuccion de colonnette, et le bazarda en direction des populaces assassinatoires. Le parpaing, lancé avec précision, fit un vol plané nanti de sept saltos arrière au-dessus du ravin cernant le château, et atterrit dans l'herbe avec un plof moelleux. Il n'atteignit aucune cible particulière, mais symboliquement, inaugurait la guerre Oldi-Kaito/Trouperdois-Thymmilou. Les villageois étaient, depuis quelques heures, abrutis par les ordres du dit Thymmilou, et certains commençaient à se demander sérieusement à quoi rimait tout le travail qu'ils avaient effectué avec tant de sueur. Mais cette brique insultante avait ravivé en eux cette fameuse haine des touristes typique du Trouperdois moyen, et ils ne désiraient plus qu'une chose: discutailler avec leurs cibles à coups de gourdin et d'outils de jardinage.

         - Hé bien, ch'est clair, dit Ernest Sessendre en avalant une gorgée de salive. Ils che f**tent te nous, ches chales mioches! Ils l'auront foulu! Mais... monchieur Thymmilou... fous n'afiez pas tit qu'ils echaieraient chûrement te ch'enfuir par le chouterrain?
         - C'est ce que je croyais, avoua Thymmilou. Ils ont peut-être essayé mais fait demi-tour... non, c'est grandement improbable. Avec la surveillance que j'ai mise dans le souterrain, ils se seraient fait attraper, et nous en aurions été informés. Car vous êtes en communication avec les gardes, je crois, mon cher Ernest?
         - En effet... che peux les appeler pour férifier, chi fous foulez.
     
         Ernest Sessendre prit un talkie-walkie, modèle abandonné par feu un touriste de nombreuses années auparavant, et appela un de ses compagnons, plus précisément le barman du Poussin éviscéré:

         - Hey, p'tite tête? Ch'est Ernecht. Tis-moi, est-che que quelqu'un a echayé te pacher tans le chouterrain?
         - Pas le moins tu monte, che fiens de foir Tapa, il n'a rien remarqué te chuchpect. Et il a l'ouïe fine, Tapa! Chi quelqu'un n'avait fait qu'oufrir la trappe tu château, il l'aurait chu tout te chuite.
         - T'accord... merchi pour l'info.
         - A ton cherfiche. Tis, on ch'ennuie, ichi, tu chais. On pourrait pas fous rechointre, fous autres au château? Un peu te téfoulement nous ferait tu pien.
         - Euh... on ferra, on te recontacte ch'il y a tu neuf.

         Ernest désactiva son grésillant engin. Thymmilou, qui avait suivi la conversation, se mit à réfléchir.

         - C'est étonnant... pourquoi n'ont-ils pas au moins essayé de passer? C'est leur seule issue.
         - Peut-être, hasarda Ernest Sessendre, que le pachache est fraiment pouché; le château est chi fieux, quelque choje a très pien pu ch'écrouler chur la trappe.
         - Ou bien ils se sont doutés de quelque chose! En tout cas, même si vos compagnons ont le désir primaire de se défouler, qu'ils ne bougent pas de leur poste, d'accord?
         - Même pas le parman et ches copains? hasarda Ernest. Fous chavez, Tapa est très efficache...
         - Je n'en doute pas.
         - ...fous ne penchez pas qu'il cherait chuffijant pour churfeiller le chouterrain? Il prend cha michion au chérieux et...
         - J'ai dit: NON. Ils restent TOUS là, en bas. C'est clair?

         Ernest comprit qu'insister serait inutile. C'était officiel: l'assaut serait mené sur le château d'Hédépargne.

         - C'est officiel, l'assaut va être mené sur le château d'Hédépargne! jouissait Oldi. Je suis assez content de moi. Beau discours, non? Il n'y a plus qu'à passer le temps en attendant l'attaque. Autant être productifs et leur bazarder ces pierres que j'ai judicieusement mises de côté, non?

         Kaito ne répondit pas. Non pas qu'il n'ait pas eu envie de parler, c'était même plutôt le contraire. Ayant bénéficié durant sa jeunesse d'une éducation exemplaire dont la rectitude pourrait servir de fil à plomb, il cherchait en fait le moyen d'exprimer ses pensées à Oldi sans mots vulgaires et sans attaque physique. Après un silence de quatre secondes -délai durant lequel il s'imaginait écrabouillant des escargots, histoire de se calmer les nerfs- il parvint à articuler d'une langue tremblotante:

         - De quoi passer le temps? Mais mais mais, j'ai une idée... n'avait-on pas une potion à préparer?

         Oldi écarquilla les yeux. Histoire d'enfoncer le couteau dans la plaie, Kaito rajouta:

         - Monsieur Oldi, le grand stratège, avait-il prévu dans son plan un délai suffisant pour préparer la fameuse potion, avant d'exciter les sanguinaires d'en face?

         Oldi expulsa un juron que la loi de septembre 1946 nous interdit de reproduire ici, puis il courut sans piper mot en direction du sac de toile contenant toutes les affaires du duo. Kaito le suivit en traînant les pieds, arrachant quelques mottes d'herbe pour expulser l'énervement qui bouillonnait encore en lui.

         - Quel abruti, quel abruti, quel abruti! répéta Oldi tel un gramophone bloqué tout en déballant sur l'herbe le contenu du sac. J'avais oublié ça... décidément, je fais n'importe quoi quand je crois avoir une bonne idée! Kaito, trouve-moi le grimoire et lis-moi la recette pendant que je prépare le matériel et les ingrédients...
         - J'espère, sincèrement, qu'on aura le temps de tout faire. Toi qui as déjà lu attentivement la recette, tu estimes qu'il faudrait combien de temps pour la faire?
         - Je dirais... une vingtaine de minutes, environ.

         - Alors, mes braves! Je venais aux nouvelles. Le travail, ça avance?
         - Chuper, monchieur Thymmilou. T'ichi un quart t'heure, on aura fini.

         Inutile de dire que l'agitation avait atteint son apogée dans les deux camps. D'un côté, on aiguisait des fourches, on rabotait des gourdins, on vérifiait l'état de ses couteaux de cuisine et on s'envoyait un peu de gnôle derrière le foulard histoire de se donner chaud aux organes internes; de l'autre, on jetait dans une marmite remplie d'eau tiédasse en voie de réchauffement des ingrédients variés. Fruits, légumes, herbes diverses, sans oublier les trois fameux ingrédients qui avaient valu à Oldi et Kaito tant de périls: bolet Rodravel, poudre d'os de boîte crânienne de cyclope méditerranéen, et rubis. A l'ajout du premier de ces trois ingrédients, la mixture devint pourpre. Pour le second, jaune à reflets mordorés. Enfin, à l'ajout du rubis, elle arbora toutes les couleurs du spectre chromatique, jusqu'à ce qu'Oldi la touille avec une barre d'argent (indiquée par le grimoire) et qu'elle affiche à la suite de cela une uniforme couleur rouge sang.

         - C'est bon, soupira Kaito, la couleur correspond. Et on a fini en avance. Bien, suite des opérations?
         - Il faut placer les ingrédients sur les gaïeres, commença Oldi. La potion dans celle sur la muraille, là-bas, et le livre Hédépargne sur celle du balcon du donjon. La troisième, on verra ça plus tard... bon, il est temps que je t'explique ce qu'on a fait avant, avec les herses, et tout ça... pour être sûrs que les Trouperdois attaquent, on va continuer de les narguer jusqu'à ce qu'ils entrent dans le château. En fermant les herses, on leur a allongé le chemin entre l'entrée de la forteresse et celle du souterrain. Donc, une fois qu'ils auront pénétré dans la cour, on partira dans le passage secret, et on le condamnera! Tu vois la corde que j'ai fixée au pilier? Je l'attacherai à la trappe quand celle-ci sera ouverte, et en la refermant, la colonnette s'effondrera dessus en condamnant l'entrée! Résultat: les Trouperdois nous verront encore les humilier lorsqu'ils entreront dans le château, et une fois à l'intérieur: personne! J'imagine leurs têtes, surtout celle de ce cher Thymmilou! Le temps qu'ils comprennent qu'on a pris le souterrain, on aura, j'espère, eu le temps d'atteindre la troisième gaïere. Je suis impatient de revoir la dodécapotence! (un silence) ...je ne pensais pas dire ça un jour. Bon, allons placer les ingrédients! Ne perdons pas de temps! Charge-toi du livre Hédépargne, moi, je transporte la potion magique.

         Oldi et Kaito prirent chacun leur objet fétiche, et ils partirent chacun de leur côté. Oldi alla verser la potion dans la gaïere de la muraille, et Kaito monta les escaliers en direction du balcon du donjon. Mais, là, une vision terrible l'attendait. Il disposait, de cet endroit, d'une magnifique vue plongeante sur le campement des Trouperdois, et le pont mobile que ceux-ci étaient auparavant en train de monter était en place, et prêt à être adéquatement positionné. Un simple ordre de Thymmilou et l'attaque du château aurait lieu dans la minute.

         Le livre magique placé, Kaito redescendit les escaliers quatre à quatre pour avertir son compagnon. La phase suivante du plan allait devoir être avancée.

         - Oldi! cria-t'il, trois fois de suite histoire d'être certain d'avoir affaire au bon interlocuteur. Ils sont prêts à attaquer!
         - Déjà? demanda celui-ci en jetant au loin sa marmite vide. Ils sont plus rapides pour faire ce genre de choses que pour évoluer intellectuellement... remarque, avec un chef comme Thymmilou, on devait s'attendre à tout. Bon, allons les narguer une dernière fois, histoire de leur montrer qu'on est toujours là et qu'on ne les a pas oubliés. J'espère qu'ils ne nous en voudront pas pour notre absence.
         - J'approuve, mon cher. J'approuve...

         Dans le campement, la tension était à son comble. Tous les Trouperdois attendaient l'ordre de Sessendre ou de Thymmilou qui leur permettait de réaliser leur rêve secret: mener un assaut sanguinaire en toute légalité.

         - Ch'echpère qu'ils chont touchours là, dit Ernest en tripatouillant un de ses boutons de manchette.
         - Ils le sont, rétorqua Thymmilou. Vous avez vu cette fumée? Je ne sais pas ce qu'ils cuisent, mais ça m'étonnerait qu'ils l'aient laissé sans surveillance.
         - En tout cas, che...
         - Joli pont, n'est-ce pas? dit soudainement une voix.

         Cinquante-sept yeux se tournèrent en direction du château d'Hédépargne(6). Là, accoudés mollement à une muraille, flemmardaient Oldi et Kaito -les touristes traqués, la cible de tout un village- aussi discrets qu'une crise de rire pendant une oraison funèbre. Apparemment indifférents à l'hystérie locale qui pourtant les concernait, ils lorgnaient le paysage d'un oeil quasi-amorphe. Ils auraient regardé passer des canetons au bord d'un lac qu'ils n'auraient pas eu une attitude différente.

         - Quoi, cette passerelle? répondit Oldi à son ami Kaito en désignant du doigt le fatras de planches informes. Oui, pas mal. Assez primaire, je dois dire, mais évidemment, ça a son charme.
         - Dites, demanda Kaito, votre attaque, là, ça vient? Pas qu'on s'impatiente, mais...
         - On arrife! hurla un Trouperdois, une bouteille à la main. Et fous feriez mieux te fous planquer, chinon cha fa chier pour fous!
         - Ca va scier? feignit Oldi. On veut nous tuer avec une scie? Vu la bouteille que tu tiens à la main, ce sera pas la scie rouge de sang mais plutôt la scie rose du foie, mon poivrot ami... ah non, pardon, ajouta Oldi après pseudo-explication de Kaito, c'est pas "scier"! C'est pas scier-vident, votre accent, il faut dire...

         L'énervement chez les Trouperdois avait atteint son paroxysme. Une des meilleures manières pour un touriste d'énerver un Trouperdois, juste après lui dire que l'on refuse ses propositions de mariage, est de faire des commentaires sur l'accent local. Cette fois, les habitants de la bourgade allaient oublier toute notion d'éthique et laisser rugir la bête velue qui se dissimulait en chacun d'eux, pas bien loin sous la surface, il faut le dire.

         - C'est pas tout ça, mais on aimerait bien que l'attaque commence, histoire de tester notre arme secrète... déclama Kaito d'un ton mi-impatient, mi-stérieux.

         Un murmure d'inquiétude parcourut la populace paysanne. Une arme secrète? Il fallait s'attendre à tout... et les volutes de fumée aux couleurs changeantes qui avaient émané de la forteresse durant le quart d'heure précédent n'auguraient rien de bon. Arme chimique extraterrestre? Souvenirs du KGB? Gastronomie anglo-saxonne? Un Trouperdois un peu plus hardi que ses compatriotes hasarda:

         - Une arme checrète? Quelle arme checrète?
         - Ahâââââ! répondit Kaito d'un ton enfantin en agitant l'index. Si on le dit, ce ne sera plus un secret, petit fripon!
         - Voyons, mon ami, soyons fair-play! dit Oldi avec une moue répugnante. Nous nous faisons la guerre comme au Moyen-Âge, et à cette époque, on avait encore la notion d'Honneur, avec un grand H, précisa Oldi pour les nombreux Trouperdois croyant que le mot s'écrivait auneur (ils pensaient maintenant à hauneur). Tu sais, messieurs-les-Anglais-tirez-les-premiers, tout ça. Je pense que nous pouvons leur faire part de la nature exacte de notre petit armement de derrière les fagots, non?
         - Certes mon ami, certes. Soyons courtois. Notre arme secrète, c'est...

         Les Trouperdois restèrent silencieux, guettant la fin de la phrase ennemie...

         - du SAVON! hurlèrent les compères, faisant suivre leur phrase d'un rire gras et d'un double topons-là. Ils ramassèrent ensuite quelques pierres, qu'ils jetèrent en direction des Trouperdois outrés à grands renforts de grimaces visqueuses. Aucun de leurs projectiles ne parvint à destination, les compères visant volontairement le fond du ravin cernant le château, mais l'intention était là. Attitude peu fair-play, certes, mais lorsque l'on se trouve face à un paquet de personnes dont le principal but est de nous éviscérer, on finit par oublier les règles de courtoisie les plus élémentaires.

         Tous les regards Trouperdois se tournèrent vers le duo Thymmilou/Sessendre, les gueux n'attendant qu'un petit signe qui marquerait le début officiel des hostilités sanglantes. Les généraux de guerre, qui avaient autant digéré les paroles du duo que des huîtres au chocolat, firent comprendre par un simple hochement de tête bien senti que les guerres Trouperdoises venaient de commencer. Une acclamation hystérique applaudit leur décision, en même temps que quatre-cent-soixante-dix-sept outils coupants se dressèrent d'un seul mouvement comme pour déclarer la guerre aux cieux. Les cieux, justement, viraient lentement à l'orangé du fait de l'approche imminente d'un caillou céleste à la recherche d'une cible.

         La passerelle fut mise en place, et enfin, pour la première fois depuis des siècles et des siècles (amen), le château du mage Hédépargne fut accessible par une voie digne de ce nom! Aussitôt, des régiments de croquants armés de la tête aux pieds s'engouffrèrent dans le passage, à approximativement cinq cents contre deux, une attaque peu équitable, voire franchement lâche que n'oserait qu'une copieuse bande de patates (car les tubercules osent). Oldi et Kaito, eux continuaient à jeter des pierres dans tous les sens... du moins, jusqu'à l'entrée des premiers sanguinaires dans le château.

         Sitôt que les premiers assassins à fourches avaient pénétré la cour intérieure, les compagnons abandonnèrent courageusement leur poste en direction de l'entrée du souterrain, à cinq mètres de là. Comme Oldi l'avait prévu, les herses closes judicieusement positionnées avaient grandement allongé le chemin entre l'entrée de la citadelle et celle du passage minier. Ils avaient juste le temps de fuir sans être vus... Oldi ouvrit la trappe non sans avoir dégagé les rochers vaguement taillés que lui et son compagnon avaient placé la veille, puis, la construction de planches ouvertes, il y noua dans une anfractuosité le bout de ficelle qu'il avait improvisé. Kaito s'engouffra dans le passage, tandis que la rumeur de l'assaut paysan grondait de plus en plus fort. Oldi se rendit à son tour dans le souterrain, et abaissa la trappe.

         Du moins, il essaya. Il avait sous-estimé la résistance du reste de colonne...

         Il appela évidemment son compagnon à l'aide! Les deux fugitifs attrapèrent chacun un côté de la trappe, alors que les cris des Trouperdois en furie devenaient de plus en plus distincts, et autant dire que les mots que les gueux hurlaient n'étaient pas spécialement rassurants! Moins d'une vingtaine de secondes et ils seraient à portée de fourches! Réunissant leurs capacités musculaires les plus insoupçonnées, avec la force de forceps, ils tirèrent la trappe de bois vers le bas, action ardue à laquelle même la force de gravité terrestre semblait ne pas vouloir prendre part! Plus qu'une dizaine de secondes avant l'arrivée de la horde.

         Un craquement se fit entendre...

         Aussitôt, la colonnette de pierre s'effondra sur la trappe, condamnant le passage. Les Trouperdois, assourdis par le bruit causé par leurs centaines de jambes, ne remarquèrent pas cette destruction architecturale et, arrivant sur place, ne virent qu'un endroit vide. Ne pensant pas au souterrain au premier abord, ils décidèrent alors de fouiller le reste du château, offrant ainsi aux deux compagnons un délai salutaire.

         Du moins, si la surveillance du passage secret avait été relâchée. Ce qui n'était, comme ils allaient bientôt le découvrir, pas le cas.

         Oldi et Kaito, provisoirement heureux dans l'ignorance, se prenaient une petite pause, juste au-dessous de la trappe qu'ils venaient de condamner. Haletants, ils entendaient un étage au-dessus les gueux sanguinaires ordonner une fouille complète du château.

         - Bien, c'est parfait, chuchota Oldi afin de ne pas être entendu, bien que les décibels émis par les voisins du dessus aient facilement étouffé un quatuor d'organistes. Ils croient toujours qu'on est dans le château. Le temps qu'il comprennent qu'on a pris le souterrain et qu'ils en dégagent l'entrée, on a un petit moment devant nous. J'espère en tous cas que, s'il y avait des gardes dans le souterrain, ceux-ci se sont absentés.
         - Honnêtement, je l'espère aussi, dit Kaito en essuyant de la poussière de son épaule gauche. D'autant plus que maintenant, on ne peut plus faire demi-tour. Franchement, ton plan parfait n'est pas si parfait que ça...
         - Désolé, mais prendre des décisions relevant de la stratégie militaire dix minutes après mon réveil ne fait pas partie de mes attributions! insista Oldi.
         - Navré, je ne voulais pas te vexer, répondit Kaito en essuyant son épaule droite. Il est bien, ton plan! En passant... comment tu as su comment "arranger" le pilier pour qu'il s'écroule juste au bon endroit?
         - Trois générations d'architectes dans la famille, lâcha simplement Oldi.
         - D'architectes ou de démolisseurs? ironisa Kaito.
         - Un peu des deux, je crois, murmura tristement Oldi. Bien! Fini la pause, on a une place de village à atteindre.

         Oldi se leva, et songea intérieurement: "pour que le sortilège soit efficace, ils faut que les trois éléments soient sur les gaïeres en même temps... j'espère sincèrement qu'aucun des abrutis là-haut ne profitera de notre absence pour déplacer le grimoire ou la potion..."

         Tandis qu'au-dessus, l'agitation régnait toujours, Oldi et Kaito descendirent l'escalier en colimaçon les menant dans les entrailles secrètes de Trouperdu. En sens inverse, ils parcoururent à nouveau les anciennes salles troglodytes qu'ils avaient franchi la veille. Arrivés à mi-parcours, dans une salle ayant visiblement servi de cave à vin -quelques bouteilles mathusalémiques et tonneaux du même métal y reposaient encore religieusement- ils finirent par s'interroger.

         - Aucun garde, conclut Oldi. Pas le moindre, pourtant on a fait la moitié du chemin. Même si ceux qui étaient ici avaient eu envie de partir au château, je m'attendais au moins à quelques personnes, quatre ou cinq qui seraient restées...

         Hélas, Oldi n'avait pas retenu la leçon: lorsque, par miracle, les choses vont bien, se plaindre est la pire chose à faire. Comme pour rétablir le quota de poisse de l'histoire, un bruit sourd(7) résonna alors depuis le couloir de sortie de la cave à vin. Les compères auraient pu espérer un ennui de second ordre, comme un éboulement ou un bête séisme, mais lorsqu'ils s'aperçurent que le son de tantôt avait la même fréquence que des pas humains, ils comprirent que ce que le pire craignait de pire était à craindre, voire pire(8).

         - Pour la surveillance du passage, je crains, dit Kaito, qu'ils aient misé sur la qualité plutôt que sur la quantité...

     

     

     

    (1) Avec tous les ennuis qu'ils ont depuis le début de cette histoire, ils pourraient faire un catalogue de ce qu'on redoute...

    (2) D'accord, ce jeu de mots d'arbre fruitier est un peu léger. Mais n'oublions pas que pour les calembours foireux, je suis pommier toutes catégories...

    (3) Gastro-entérite: communément appelée gastro, maladie exécrable caractérisée par une expulsion régulière de matières corporelles inutiles. Méthode efficace pour perdre du poids, mais néanmoins déconseillée par les nutritionnistes car peu ragoûtante et ne leur apportant aucun apport financier. Elle revient tous les ans à la même période, d'où son surnom de "fidèle gastro".

    (4) Jacques Crozemarie tirait beaucoup à l'ARC.

    (5) Libre à vous de savoir de quoi il parlait.

    (6) Il y a un borgne à Trouperdu, Jean Marilepaine, gaillard blond au physique typique, disposant des solides jambes locales, du torse régional et du front national.

    (7) Assez étrange finalement, étant donné qu'un bruit sourd, par définition, on peut pas l'entendre...

    (8) Relisez, ça va venir.


  • Commentaires

    1
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